" Bobby Fischer - Une étude de son approche du jeu "
par Elie Agur traduit de l'anglais par Sylvain Zinser est publié aux éditions Grasset-Fasquelle en 1994 a été réalisée par Garry Kasparov .
Des grands joueurs d'échecs russes tels que Spassky, Kortchnoi, Karpov et Kasparov reconnurent en lui le génie des echecs.
Préface du livre par Garry Kasparov
Je me rappellerai toujours de ces journées du championnat du monde entre Spassky et Fischer en 1972. J'étais un jeune garçon de neuf ans et je faisais mes premièrs pas dans la carrière échiquenne. C'était dans la lointaine et paissible Bakou. Bien entendu , je savais que Spassky , le champion du monde régnant, était un fort joueur, mais on ne m'eût pas ôté de l'idée que Fischer, mon idole échiquéenne d'alors était un joueur d'un autre calibre , quelqu'un d'une classe bien à lui. La scène échiquéenne a bien changé depuis lors, j'ai moi même accompli aussi quelques progrés ces vingt dernièes années. Quand je compare ma propre carrière à celle de Fischer, je dois admettre que j'ai bénéficié sur lui d'un certain avantage. Il n'avait personne d'autre que lui même pour l'élever vers les sommets qu'il avait atteint, tandis que moi, j'avais eu le privilège d'être confronté à un joueur d'une classe exceptionnelle comme Anatoly Karpov pour me forcer à m'entrainer et à progresser toujours plus haut. Si l'on peut juger la force d'un joueur en le comparant à ses comtemporains , il me semble que l'accomplissement de Fischer est insurpassé, l'abîme entre lui et ses rivaux les plus proches fut le plus profond qu'il y eût jamais entre un champion du monde et les autres joueurs de premier plan de son temps. Il avait dix à quinze ans d'avance sur son époque dans sa préparation en son entendement. Cela peut être attribué en partie au fait qu'il s'est consacré au jeu d'une façon inégalée par aucun autre joueur avant lui et depuis.
Je le considère comme une sorte de combinaison mythologique , un centaure si vous voulez, une synthèse entre humain et Echecs. Ce n'est pas l'une ou l'autre de ses partie qui m'impressionne , bien qu'il en ait joué de très remarquables. C'est l'attitude professionnelle qu'il n'a jamais cessé de manisfester vis à vis du jeu et sa qualité de lutteur qui me retiennent tellement. Fischer fut le premier joueur réellement professionnel à monter sur la scène échiquéenne, et en cela, j'espère être considéré comme son continuateur. Je pense qu'il est important d'étudier les parties de Fischer pour les joueurs de tous les niveaux. Cela vous donnera avant tout une bonne idée de comment aborder le jeu et encore mieux encore, cela changera votre attitude envers la parties d'échecs d'une manière qui ne manquera pas d'améliorer votre propre jeu.
Livre de Franck Brady
J'ai noté quelques lignes écrites dans le livre de Franck Brady " Bobby Fischer " qui nous dévoile la personnalité de Bobby Fischer , mais comme il est question de l'interzonal de Sousse à Tunis en Afrique du nord en 1967 , j'ai souhaité ouvrir des parenthèses car je pense que l'interzonal de Sousse montre a quel point il était nécessaire d'améliorer les conditions de jeu des joueurs d' Echecs dans les Tournois professionnels. C'était le challenge de Bobby Fischer !!
Interzonal de Sousse en 1967
Des évènements se sont passés à l'interzonal de Sousse à Tunis en Afrique du nord , alors que Bobby Fischer était en tête et devait se qualifier pour le tournoi des candidats, il prit la décision de quitter le tournoi. C'était la première fois qu'un tournoi de la fide était organisé sur le continentAfricain.. Voilà ce qu 'écrivit le GMI Matanovic dans le South african player " Pendant la première moitié du tournoi , il ne se passa pas un jour sans que surgisse un problème, tout le monde se demandait quel serait le premier joueur à quitter le tournoi".
Fischer après avoir joué quelques coups s' adressa au directeur du tournoi et lui dit qu'il voyait à peine l'échiquier, avec l'aide de Guellar son adversaire, ils se décidèrent à transporter la table dans un endroit où la visibilité était meilleure ( incroyable dans un tournoi de ce niveau). Dans la 6ème partie Fischer jouait contre Kavalek, un photographe s'est mis a arpenté la scène et voulu prendre des photos, Fischer arreta sa pendule , se leva et exigea qu'on expulse le photographe car les photos étaient interdites. Pendant cette discution la pendule de Fischer fut remis en route, il perdit 30 mn de réflexion , la partie se soldera par la nulle. En dépit de cette contrariété , Fischier jouait magnifiquement bien , il avait 6 points sur 7. L'organisateur obligea Fischer à jouer 6 parties d'affiler alors qu ' il devait bénéficier d'un jour de repos. Toutes ses accumulations d'erreur lui on fait quitter le tournoi, malgré ces incidents il fut prié de revenir , il revint un fois puis deux fois mais à la 3ème il adressa une lettre au directeur du tournoi pour lui confirmer son retrait définitif. Et c'est ainsi que Fischer ne peut se qualifier au tournoi des Candidats , ce qui lui ferma la porte du championnat de monde de 1969, le champion en titre était Pétrossian.
Franck Brady le livre " Bobby Fischer "
Editions Payot et Rivages 106 Boulevard St Germain 75006 Paris
Traduit en français en 1993
Un livre que je vous conseille vivement !
J'ai relévé quelques paragraphes intéressants.
De Franck Brady " Toute tentative pour comprendre la vie de Bobby Fischer est, par définition , entachée de frustations. Fischer se présente comme l'un des personnages les plus énigmatiques de notre temps. Tous les psychologues sont d'accord pour reconnaître que les échecs servent d'exutoire aux implusions hostiles dans une situation d'impuissance , de sorte que la valeur thérapeutique du jeu est considérable. Il est plus évident que Fischer a remplacé le divan par les échecs et que toute sa vie , cette thérapie a agi comme un calmant et un stimulant.
Privé de père, le jeune Bobby a trouvé une sécurité affective dans les Echecs et cela, dans des proportions considérables. La vie s'insinuait dans ces pièces de bois inanimées qui devenaient des amies sur lesquelles il pouver compter complétement. Dans l'univers échiquéen, il pouvait être aussi bon que n'importe qui et meilleur que la plupart. Bobby s'est enfermé dans le monde des échecs , il a perfectionné son art par une pratique constante. Fischer découvrit lentement son énorme talent. L'évolution de Bobby allait bien au délà de l'obssession. Il semble qu'il se soit produit une véritable fusion entre ses besoins les plus profonds et sa maitrise du jeu. Les echecs
devinrent sa discipline , son but son pouvoir. Avec ses pièces sculptées, lourdes de toute puissance, il pouvait affronter le monde.
Trois aspects étroitement liés de ses premières expériences aux échecs :
- Le processus a été exclusif en ce qu'il écartait tout autre chose
- Il était solitaire
- Son intérêt est devenu l'ingrédient essentiel du développement de son image de soi
En Résumé : il a refusé purement et simplement de se cultiver dans d"autres matières, il s'est renfermé sur lui même , et n a eu qu'un seul objectif être le meilleur joueur d'échecs de la planète.
Fischer a utilisé son énorme potentiel de travail qu'aux échecs. Il en est résulté une incroyable perfection qui l'a éloigné de toute base culturelle élargie. Tel est le prix qu'exige la créativité ( Van Gogh ne savait faire autre chose que peindre des tableaux , vous connaissez le résultat). Bobby s'est retrouvé isolé dans une dimension unique. Il s'est refugié dans un espace culturel des plus restreints et sa mobilité en a souffert chaque fois qu'il a tenté d'en sortir. Pendant des années, son manque de "sophistication " l'a gêné où qu'il se trouve. Fischer communique avec l'extérieur par le biais des échecs. il a choisi volontairement les echecs comme moyen d'expression, il a fait de ses échecs un art. Un fois Franck Brady lui a demandé si il serait d'accord pour lui donner des léçons , Fischer a accepté " pour la première leçon je veux que vous jouiez toutes les parties de Modern chess openings y compris les notes en bas de page" m' a t'il dit en souriant pour la seconde vous recommencerez.
Fischer a développé son génie particulièrement tout seul. Devant les problèmes affectifs, beaucoup d'enfants se replient sur eux mêmes et parviennent à maitriser la situation par le jeu.
L'énergie de Bobby Fischer est légendaire, il doit son succés qu'à lui-même. La quête d'autonomie de Bobby va plus loin encore.Pour le jeune homme, il n'existe rien de plus exaltant que de penser qu'il exerce un pouvoir sur autrui. Pourtant dans le cas de Bobby, le rêve et la réalité ont été étroitement imbriqués, et depuis si longtemps, qu'il a du mal à distinguer l'un de l'autre. A 14 ans , il avait conquis la majeure partie de ce que le continent pouvait lui offrir, il devait se croire invincible. On a pu constater relativement tôt que la conception qu'avait Bobby de lui même procédait au mythe ( il pensait très tôt qu'il allait laisser son empreinte gravée à tout jamais au firmament des échecs , il avait vu juste). Il est évident que sa foi olympienne l'a grandement aidé dans se recherche de perfection , toutes les parties sont pour moi un défi que je dois gagner disait Fischer ( Comment travailler 14 heures par jour sans cette motivation).
Quand les choses vont mal, il en cherche la raison autour de lui plutôt qu'en lui ( sachant qu'il est au somment de sa gloire , alors si quelque chose va mal c'est que forcément quelques évènements extérieurs viennent le perturber. Il va les chercher et les trouver ).
Sans cette conviction profonde, il est probable que Bobby n'aurait pu continuer . Les connaisseurs plus âgés, plus avisés admettaient tous qu'il deviendrait champion du monde dans un avenir plus ou moins proche . Voici l'appréciation de Kotov à Stockholm , il dira " ses possibilités futures sont pratiquement sans limites ". Max Euwe demandant à plusieurs experts après le Tournoi de Stockholm ce qu'il pensait des chances de Fischer à Curaçao , la réponse fut la suivante " les progrés de Fischer , cette année surtout, sont si considérables et si impressionnants que dans quelques années personne ne pourra lui résister" Selon les prévisions , Bobby Fischer pourrait être champion du monde en 1966 ou en 1969.
On peut dire que Sousse a été la plus grande tragédie de la vie de Fischer. d'où ce conflit permanent au sujet des éclairages , des sièges, des prix, des horaires, des organisateurs, des arbitres car il exigeait que tout soit parfait. Il est impossible d'apprécier lucidement la vie de Bobby Fischer si l'on ne tient pas compte de sa relation à son art et aux autres grands joueurs.
Fischer est devenu champion du monde en battant Spassky, il n'avait perdu que cinq parties ( dont l'une par forfait) sur soixante cinq parties jouées de Palma de majorque à Reykjavik, et il a lutté contre l'élite échiquéenne. Selon la classification Elo , Fischer a accédé au plus haut niveau jamais atteint dans l'histoire des échecs. Bobby Fischer a rejoint le cercle des Dieux des échecs à côté de Alekhine, Capablanca, Lasker, Steinitz, Botvinnik.
Bobby Fischer avait joué en 1972 plus de tournois et de matchs qu'un autre grand maitre qu'il soit vivant ou mort. Bobby a étudié et se souvient d'un plus grand nombre de parties entières , positions et variantes que n'importe qui dans l'histoire du noble jeu. Dans tous les tournois depuis 1966, il a remporte le premier prix. Partie par partie, match après match, il a démontré sa supériorité sur ses adversaires en pensant, en prévoyant, en jouant mieux et plus vite à tous les stades de la partie : les ouvertures très complexes des échecs modernes, le milieu de partie souvent si astreignant ou encore la redoutable précision des finales où seule compte la logique. Bobby est un joueur complet.
L'étude des parties de Steinitz a appris à Fischer comment déséquilibrer une position, comment accumuler les petits avantages, comment déterminer le meilleur moment pour attaquer et le meilleur coup à jouer dans une position donnée, le meilleur coup absolu bien sur !
Fischer n'a jamais cessé de jouer depuis l'âge de 6 ans , avec beaucoup d'intensité et de fréquence de sorte qu'il réagit naturellement souvent instinctivement aux positions et aux variantes qui paraissaient compliquées à d'autres . Fischer a la capacité d'apprécier d'un seul coup d'oeil les nuances et les difficultés d'une position. Chez Fischer les mécanismes qui transmettent la pensée du cerveau à l'échiquier sont tellement fulgurant qu'on pourrait croire qu'une pensée et geste sont un seul et même processus. Bobby ne laisse jamais un élément de risque entrer dans son jeu. Un conseil de Fischer : concentrez-vous sur les gains matériels, ce que votre adversaire vous donne , prenez-le , à moins que vous ne découvriez une bonne raison de ne pas le faire. Lee échecs de Bobby Fischer se caractérisent par une connaissance profonce des ouvertures, la pureté du style, une tactique pleine de force, il est aussi tenace que patient , quand il est en position de faiblesse il peut jouer des heures , un léger avantage sur l'échiquier équivaut pour lui à disposer d'une Dame d'avance, ses idées sont le produit d'une imagination disciplinée, il sait toujours ce qu'il fait , à chaque seconde, et ne bouge une pièce que lorsqu'il a saisi le pourquoi de sa position. Bobby Fischer est passionnément amoureux des échecs et cette adoration produit une énergie à laquelle il est presque impossible de résister. Fischer se situe à des années lumières de tout le monde, il n'a pas d'adversaire digne de ce nom. Fischer a un colossal appétit de vaincre , après avoir passé son temps de victoire en victoire, il est parfaitement conscient de ses prouesses, Fischer aime le danger et plus l'enjeu est important plus il a de l'audace , il ne raisonne pas en coup mais en termes de "système" là où les autres cherchent des coups. Fischer est capable de contrecarrer l'ouverture la plus sophistiquée et la mieux préparée , toutes les tentatives pour effectuer une attaque surprise par le biais de n'importe quelle ouverture connue échoueront car Fischer est pourvu de capacités prévisionnelles exceptionnelles , il est capable de retrouver son chemin en milieu ou en fin de partie.
Pour Bobby Fischer , la réalisation spirituelle de toute sa vie réside bien dans les échecs.
Goethe a dit " Les échecs sont la pierre de touche de l'intellect"
C'est à dire , le paradigme du processus cognitif de l'esprit humain .
De Jean-Louis Eeckhout
J'ai comme chacun d'entre-vous, visionné la vidéo de Maxime Vachier Lagrave après avoir été couronné champion du monde des juniors. A la question posée , quel est ton joueur préféré , il a répondu "Bobby Fischer" !! Je pense que c'est un très bel hommage d' un jeune joueur professionnel français qui méritait d'être mentionné.
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